Manifeste pour un réveil écologique : l’appel des étudiants
Aurélien AUGER (P17)
Elève de 2e année aux Mines de Paris, il est membre du Bureau des élèves et ancien président de l’association étudiante Vert’Mines. Il a notamment participé à la refonte du cycle ingénieur.
Mathis EGNELL (P18)
Elève de 1re année aux Mines de Paris, il est le nouveau président de l’association Vert’Mines (https://vertmines.wordpress.com) et membre du Manifeste étudiant pour un réveil écologique depuis novembre 2018.
Ces derniers mois ont été particulièrement riches en termes d’actions pour le climat et l’environnement. Marches et grèves pour le climat, mouvements sur les réseaux sociaux : les jeunes Français ne sont pas en reste, comme ceux du monde entier, et fourmillent d’initiatives. l’une d’entre elles est le Manifeste étudiant pour un réveil écologique, auquel nous, Mathis et Aurélien, élèves à l’école des Mines de Paris, participons et adhérons.
Nous vous invitons d’ailleurs à lire le texte complet à l’adresse : pour-un-reveil-ecologique.fr
Mettre en cohérence sa vie professionnelle et l’impératif environnemental
Ce manifeste est un signal de la part d’étudiants alarmés par l’impasse vers laquelle nos systèmes économiques et idéologiques nous mènent. De fait, notre trajectoire actuelle ne tient pas compte des limites physiques de la planète, surconsomme tout ce qui est nécessaire à notre vie (énergie, eau, ressources minières, biodiversité, terres cultivables…) et modifie le climat à une vitesse qui déclenchera un emballement incontrôlable dans les décennies à venir. Ces faits ont été soulignés à de nombreuses reprises par de solides rapports scientifiques1 : notre trajectoire est tout simplement insoutenable.
Ce texte part donc d’un constat simple : alors que nous souhaiterions être à la hauteur de l’urgence pour éviter un emballement climatique, il nous est bien souvent difficile de nous engager professionnellement pour le changement. le manifeste incarne la volonté qu’ont les étudiants de mettre en cohérence leur vie professionnelle avec cet impératif environnemental.
D’abord parce que les changements de comportement ne peuvent se cantonner à la sphère personnelle pour mener à bien le nécessaire changement de trajectoire. Ensuite parce que nous ressentons une véritable contradiction qui pourrait se résumer en cette question : « À quoi cela rime-t-il de se déplacer à vélo alors que l’on travaille par ailleurs pour une entreprise dont l’activité contribue à l’accélération du changement climatique ou à l’épuisement des ressources ? » En effet, quel sens, quelle motivation à travailler pour compromettre son propre futur ?
Ce texte lancé initialement par une poignée d’étudiants de grandes écoles franciliennes a trouvé un écho dans de nombreuses écoles et universités : depuis sa publication en septembre 2018, plus de 30 000 étudiants provenant de plus de 300 établissements d’enseignement supérieur ont signé le Manifeste. Parmi eux, 20 % des étudiants de Polytechnique, 11 % des étudiants d’hEC et de l’ESSEC, 36 % d’Agro ParisTech, et 40 % de Mines ParisTech ! (193 signatures à l’école des Mines de Paris, 79 à Nancy et 66 à Saint-étienne en date du 5 juin 2019). Des étudiants d’autres pays, comme la Suède et la Belgique, ont également rejoint ce mouvement. la grande proportion de signataires dans certains établissements démontre la capacité de ce texte à toucher largement, au-delà des cercles écologiques traditionnels. la particularité de ce mouvement est en effet de réunir des personnes d’ordinaire peu militantes autour d’un message fort, fédérateur, transpartisan, de cohérence. Et d’une démarche de concertation.
Au-delà du partage du texte, nous avons en effet décidé de ne pas rester passifs devant ces constats et de porter ce message « étudiant » vers les acteurs pertinents. Depuis plusieurs mois, nous avons entamé des démarches auprès des administrations de nos différentes écoles ainsi qu’auprès du Ministère de l’Enseignement supérieur. En parallèle, nous rencontrons chaque semaine des cadres dirigeants de grandes entreprises pour tenter de comprendre les blocages qui empêchent la transition de se faire au rythme nécessaire pour rejoindre une trajectoire vraiment soutenable.
Cette démarche, volontariste et atypique parmi les mouvements étudiants, nous a valu d’être remarqués par de nombreux médias et entreprises et nous a permis d’organiser un débat dans le cadre du Grand Débat National. le 7 mars 2019, pendant plus de 3 heures, 180 signataires du Manifeste ont pu échanger avec des responsables du monde de l’entreprise et de l’enseignement supérieur. Présents à ce débat, les ministres François de Rugy, Frédérique Vidal et Brune Poirson ont été interpellés par les étudiants.
Les échanges ont ainsi montré que, au-delà de leur louable volonté d’écoute, subsistait un décalage symptomatique entre les actions déjà engagées et celles qu’il conviendrait de mettre en place pour une transition écologique à la hauteur des enjeux.
Aujourd’hui, forts de ces premiers échanges et décidés à faire avancer les choses, nous portons prioritairement deux messages aux décideurs.
notre message aux directeurs d’écoles, d’universités et aux responsables de l’enseignement supérieur
Fondamentalement, nos sociétés s’appuient aujourd’hui dans leurs modèles sur la disponibilité des ressources énergétiques et minières, la diversité des écosystèmes, ainsi que sur les services et les biens qu’ils produisent. Chacun devrait donc être capable d’avoir sur ces sujets des connaissances de base, supportées par des faits scientifiques, pour être capable de porter sur ces enjeux un regard critique et éclairé. C’est seulement de cette manière que nous pourrons tous avoir conscience des effets associés à nos comportements, et des leviers dont nous disposons pour progresser dans une démarche plus responsable. Or, aujourd’hui, les formations académiques sur la transition écologique sont réservées à des étudiants en parcours spécialisés et à des masters « développement durable ». Avec pour résultat une dichotomie totalement contre-productive : les étudiants qui choisissent un parcours classique restent largement étrangers à l’écologie, et les étudiants en master développement durable se retrouvent marginalisés ou étiquetés et peinent parfois à décrocher un emploi car leurs compétences sont perçues comme trop « spécifiques ».
Pour éviter cet écueil, il faut résolument adopter une démarche transversale où les enjeux environnementaux font partie intégrante de l’enseignement quel que soit le cursus.
notre message aux responsables d’entreprises
Au terme de nos études, ou lors d’une recherche de stage, nous sommes confrontés à un marché de l’emploi qui nous semble en décalage par rapport à nos valeurs et au sens à donner à notre vie professionnelle.
Nous voulons aujourd’hui travailler pour des entreprises qui prennent en compte la finitude des ressources dans leur modèle de revenus, notamment en mettant en place des modèles crédibles de sobriété et d’économie circulaire, en refusant d’accélérer l’épuisement des ressources par des stratégies marketing purement consuméristes.
Nous voulons travailler pour des entreprises qui repensent la finalité de leurs produits et questionnent leur utilité.
Nous voulons travailler pour des entreprises qui prennent la responsabilité de leurs externalités négatives et prennent en compte leur impact sur la biodiversité.
Nous voulons travailler pour des entreprises qui mettent en place des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre compatibles avec la trajectoire 2°C sans recourir à des technologies miracles dont le développement et le déploiement restent très incertains.
Face à l’ampleur de l’enjeu, il nous semble impensable de jouer notre avenir sur un tel pari !
Enfin, nous voulons travailler pour des entreprises qui agissent de façon cohérente auprès de toutes leurs parties prenantes : salariés, clients, fournisseurs, partenaires, pouvoirs publics, établissements d’enseignement supérieur… et qui, auprès de tous, activent tous les leviers à leur disposition pour faire de la transition écologique la première des priorités.
Un appel aux anciens !
C’est ainsi à vous que nous nous adressons, alumni des écoles des Mines. Notre démarche ne saurait en effet être complète sans l’aide de professionnels au cœur des entreprises pour mener un changement de fond. Nous avons besoin que vous soyez acteurs du changement dans votre entreprise et par votre entreprise. les entreprises ont par exemple un pouvoir immense sur les écoles et les universités et peuvent les amener à changer un programme. Et puisque les étudiants ne sont pas les seuls à devoir être formés, demandez également à ce que des formations soient développées en interne. Il n’est plus suffisant de se contenter de faire ce que les normes réglementaires imposent ; il faut tendre par une vision stratégique de long terme vers l’entreprise durable, celle qui assurera son fonctionnement tout en adaptant son modèle aux contraintes planétaires. Faites de votre entreprise une entreprise à la hauteur des enjeux et dans laquelle nous serions fiers de venir travailler. ■
1 Le GIEC a mené à ce titre plusieurs méta-analyses. On peut ainsi se reporter au 5e rapport du GIEC (2014), ainsi qu’au rapport comparant les scénarios 1,5°C et 2°C (2018).
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