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Timothée Roux (P95 ICiv)

Portraits

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10/05/2023

Ma carrière d’ingénieur et d’écrivain a démarré à l’été 1998 à ma sortie des Mines. Je voulais marquer la coupure entre la vie d’étudiant et la vie active en faisant un grand voyage, une sorte de rite initiatique, quelque chose d’aventurier pour conjurer sans doute l’appréhension du poussin qui quittait le nid : Je suis parti trois semaines sur la route de la soie en Chine. Au retour j’étais prêt pour la vie d’usine et … j’avais la matière première pour ma première pièce de théâtre, Asie Afrique.

 

Rétrospectivement quand je regarde les 14 différents postes d’ingénieur que j’ai eu chez ExxonMobil en 25 ans je m’aperçoit qu’aucun d’eux au bout de deux ans n’était ce que j’imaginais qu’ils seraient. Chacun fut une aventure, des rencontres, une création. C’est encore plus frappant pour les livres que j’ai écrits. Il y a souvent une idée de départ, un premier jour où j’ai dit oui, suivi d’une période nébuleuse où je ne sais pas quelle forme le livre prendra, parfois je ne sais pas si c’est une pièce de théâtre, un essai, un roman, en français, en anglais, drôle, sérieux…

 

Comme pour chaque poste, j’apprends et je réutilise des choses apprises dans les livres précédents. De même que j’ai mis du temps à encadrer une équipe, 12 ans avant qu’ExxonMobil me confie la responsabilité d’encadrer des collègues, de même pour ma première pièce de théâtre je me sentais incapable d’avoir plus de deux personnages. Je me sentais aussi incapable de créer un personnage féminin. Puis après 12 ans de vie professionnelle, j’ai écrit une pièce de théâtre avec 4 personnages dont une femme. Le théâtre donne un grand avantage, nul besoin de descriptions d’émotions, ni de paysages. Un lieu, une action, un temps ! Avec Shanghai 1932, mon roman écrit pendant le Covid à Shanghai, j’ai trois personnages principaux et une dizaine de personnages secondaires, des hommes, des femmes, ils voyagent, toute une année ou presque !

 

Dans les faits, écrire un livre c’est finalement assez proche du métier d’ingénieur. On oppose souvent les gens avec un hémisphère gauche et ceux avec un hémisphère droit, mais j’ai l’impression que les gens autour de moi ont reçu les deux hémisphères. Et que sans être Dr Jekyll et Mr Hyde, le métier d’ingénieur et d'écrivain se ressemblent et se complètent. Ils se ressemblent parce que dans les deux cas, il faut commencer par lire. Pour écrire Shanghai 1932, j’ai d’abord lu les livres d’histoire, les livres sur la culture chinoise, je me suis promené sur les lieux de mes protagonistes, j’ai lu la presse de l’époque, la correspondance diplomatique, et les romans écris par des occidentaux et des Chinois. Comme on lit les brevets, les publications des concurrents, les fiches techniques, les études marketings, comme on va dans les conférences, comme on visite les clients. On pose des questions, on apprend, on écoute, on réfléchit, on teste des idées, on observe les réactions. Et après dans les deux cas, il faut faire un saut et apporter quelque chose de nouveau, se différencier par rapport aux autres, arrêter de copier, de lire et d’écouter, et créer, proposer, prendre le risque que le marché dise oui ou non.

 

Enfin dans la vie de tous les jours je trouve que les deux activités sont très complémentaires, d’autant plus que je travaille dans un grand groupe. Sans doute que si je travaillais à mon compte cela serait différent. Mais comme beaucoup d’ingénieurs je travaille en équipe, dans une grande société qui ne m’appartient pas, et à chaque fois sur des projets qui me dépassent, dont j’hérite la responsabilité pour deux ans seulement avant de passer le témoin à mon tour. Avec le métier d’écrivain on a quelque chose de plus petit, un sentiment que l’on contrôle les choses de A à Z. Quand le monde de l’entreprise demande de contrôler ses émotions, de parler le jargon du secteur, de coller aux valeurs de la boite, le monde de l’écriture c’est l’échappatoire rêvé. On crée un monde, on crée des personnages, on crée des ambiances, on peut faire des blagues tous les jours. Voire, au lieu de réagir à une émotion, au lieu de répondre à un coup bas lors d’une réunion, on se dit “génial” Mr Truc dans mon livre, ce soir, je sais ce qu’il va dire. Et quand Mr Truc fait son coup bas le soir à la chandelle, on embrasserait presque le collègue d’avoir rendu Mr Truc authentique et de l’avoir fait sortir de la page. Ce n’est pas facile d’inventer une colère, un geste plein d’amitié, et de leur donner de la texture, mais la vie de tous les jours vous les offre comme des fleurs qu’il faut savoir cueillir. On écoute mieux les gens autour de soi quand on se dit que l’on va sans doute récupérer une expression. Financièrement aussi, il y a une belle complicité, et l’ingénieur nourrit l’écrivain tous les jours ! Mais au cas où vous trouvez cela injuste, je vous recommande le lien de mon éditeur ou celui de la Fnac. Il est actuellement en tête de gondole à la Fnac St Lazare, Albertine à New York et l’Arbre du Voyageur à Pekin. Shanghai 1932 est un cadeau qui fonctionne aussi très bien pour l’été pour vos amis et vos proches, pour ceux qui veulent découvrir un morceau de Chine, un brin d’histoire de France, et bien sûr … nourrir leur vie d’ingénieur !

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